Quand Oliver Hunziker, le fondateur de l'association "Pères et mères responsables", ouvre les portes d'un refuge pour hommes battus en Suisse alémanique -le seul en Europe-, il est loin d'imaginer la fronde que son initiative va soulever. "Les réactions ont été très violentes, reconnaît-il. Aux yeux des gens, la violence domestique était avant tout et seulement masculine." Avec son refuge, Oliver Hunziker brise donc un tabou fort : les hommes aussi peuvent être des victimes. "La problématique est la même, pour une femme ou un homme battu. Mais pour les hommes, parler est encore plus dur : la société ne les autorise pas à évoquer leur douleur, eux figures supposément viriles", explique-t-il. Pourtant, depuis 2009, les 10 places de son refuge sont régulièrement occupées par des hommes, parfois des pères avec leurs enfants, au bout du rouleau, cassés. "S'il s'agit moins de violences physiques graves, ces hommes parlent de violences psychologiques extrêmement fortes. Mais tant qu'ils ne réalisent pas qu'ils sont des victimes, on ne peut rien faire pour eux." Souvent un déclic : une peur pour les enfants, le coup de trop, l'insulte qui casse un équilibre déjà précaire dans le couple. Quand ils frappent à la porte d'Oliver Hunziker, "ce sont des hommes brisés". D'autant plus qu'il leur faut trouver des gens qui les croient, des policiers qui ne vont pas prendre automatiquement le parti de la femme. Dans le refuge, ils rencontrent des spécialistes, des travailleurs sociaux. Et se réapproprient leur rôle de pères, souvent "nié, dévalorisé par leur compagne." Après leur passage, de quelques jours à deux mois, la séparation est souvent la solution à leur situation, mais reste encore à se reconstruire. Car après le choc, vient souvent la colère de subir une telle pression depuis des années. "Nous avons encore des contacts avec certains d'entre eux, mais pour la plupart, il faut oublier, cela leur rappelle de trop mauvais souvenirs", lâche Oliver Hunziker. Si les chiffres officiels parlent de 2 à 3% d'hommes violentés, le fondateur du refuge estime que la réalité est "tout autre. Car la violence n'est pas seulement l'apanage des hommes."